L’asthme est une maladie respiratoire fréquente qui touche plus de 4 millions de personnes en France notamment les enfants. Le Pr David Drummond nous présente les avancées de ses recherches et du projet PACAP (Vers des plans d'action participatifs pour l'asthme pédiatrique)
A quelle étape en est le projet Pacap ?
Nous venons de terminer l’analyse des résultats de l’étude. L’idée de ce projet PACAP (Vers des plans d’action participatifs pour l’asthme pédiatrique) était de regarder comment les enfants et leurs parents utilisaient le salbutamol (ou la ventoline, c’est le même produit) en cas de symptôme d’asthme au domicile. Les recommandations françaises conseillent de recourir à entre 4 et 15 bouffées de salbutamol à prendre toutes les 20 minutes, mais quand nous voyons les familles en consultation, beaucoup nous disent faire beaucoup moins que ça. Il était donc nécessaire de recueillir des données de « terrain » pour pouvoir adapter les futures recommandations, et s’assurer qu’elles ne seront pas déconnectées de la réalité du quotidien. Pour cela, 120 enfants ont été suivis pendant 6 mois avec un inhalateur de salbutamol « connecté » c’est-à-dire qu’il y avait un capteur qui détectait à chaque fois que le salbutamol était utilisé.
Pouvez-vous déjà tirer de premiers résultats des analyses ?
Nos résultats montrent que la plupart des familles utilisent entre 2 et 4 bouffées en cas de symptôme d’asthme au domicile, loin des 4 à 15 bouffées recommandées. Ce qui est intéressant, c’est que dans trois quart des cas, ces 2 à 4 bouffées suffisent pour que le symptôme s’arrête, qu’il s’agisse de toux, de sifflements ou de difficulté à respirer. Nous avons également observé qu’augmenter le nombre de bouffées au-delà de ces 2 à 4 bouffées n’améliorait pas forcément les choses.
Concrètement, qu’est-ce que le projet Pacap va apporter et apporte déjà aux enfants qui souffrent d’asthme et leurs parents et accompagnants ?
Le projet PACAP va permettre d’informer les futures recommandations sur le plan d’action au domicile. Au lieu de 4 à 15 bouffées, nous recommanderons probablement de débuter par 2 à 4 bouffées, à répéter dans les 5 minutes si nécessaire. Cela permettra de simplifier le plan d’action pour tout le monde, et d’harmoniser la prise en charge entre ce que dit le médecin et ce que font les familles : dans l’étude menée, la concordance entre les prescriptions du médecin et les actions de la famille était très faible !
Sentez-vous une évolution dans la manière d’appréhender l’asthme chez les enfants, leurs parents et leurs médecins ?
Que ce soit chez les enfants, leurs parents ou leurs médecins, il y a une attention de plus en plus importante portée sur ce que l’on appelle la « charge en soins ». Il faut comprendre qu’un enfant atteint d’asthme a la charge de la maladie, c’est-à-dire tous les symptômes désagréables qu’il ressent, le fait de ne pas pouvoir faire du sport sans être limité, ou de rater l’école à cause de son asthme. Mais il existe également la charge en soins, qui comprend pour beaucoup d’enfants le fait de devoir prendre un traitement matin et soir, tous les jours de l’année, de venir régulièrement à l’hôpital pour des consultations et des explorations fonctionnelles respiratoires, de devoir faire attention aux acariens, aux pollens, etc. Bien sûr le traitement, qui fait partie de la charge en soins, diminue la charge de la maladie en réduisant les symptômes. Mais on comprend bien la nécessité de trouver le meilleur équilibre pour avoir la plus petite charge en soins permettant de limiter la plus grande partie de la charge de la maladie. Nous conduisons actuellement une étude dans plusieurs hôpitaux de l’AP-HP pour développer un questionnaire permettant de mesurer cette charge en soins et trouver ensuite les meilleurs compromis pour chaque enfant.
A l’heure du changement climatique, comment envisage-t-on l’évolution de l’asthme en France ? Est-ce que la santé numérique pourrait aider ici aussi à appréhender cette évolution et aider les enfants atteints d’asthme dans leur vie de tous les jours ?
Nous anticipons que le changement climatique va avoir des conséquences sur l’asthme de l’enfant. L’augmentation des températures va s’accompagner d’une augmentation de la concentration des pollens et de la durée des saisons polliniques, avec plus de risque de crise d’asthme chez les enfants atteints d’asthme allergique. Nous attendons également une augmentation des passages aux urgences et des hospitalisations pour asthme du fait de la multiplication des événements météorologiques extrêmes, comme les feux de forêts qui libèrent massivement des particules fines très nocives pour les voies aériennes, et les inondations à l’origine du développement de moisissures aggravant l’inflammation des bronches.
A l’heure du changement climatique, il est essentiel de trouver de nouveaux moyens d’accompagner les enfants atteints d’asthme. Notre projet est de créer une cohorte d’enfants atteints d’asthme en Ile-de-France, Bretagne, et Rhône Alpe, et de créer leurs « jumeaux numériques ». Ces jumeaux numériques correspondent à des représentations informatiques de l’état des bronches des enfants en temps réel, grâce à des capteurs nous informant en continu sur l’état de leurs bronches et de l’air qu’ils respirent. Les capteurs incluent des moniteurs de qualité de l’air intérieur, des inhalateurs connectés, des appareils permettant de mesurer les particules dans le souffle des enfants, l’ensemble étant relié aux données d’environnement extérieur des réseaux de surveillance de l’environnement, et aux données recueillies à l’hôpital. Grâce à ce jumeau numérique, nous voudrions étudier les impacts des événements climatiques (vague de canicule, feux de forêt, inondation) auxquels ces enfants sont confrontés, et définir un profil de risque individuel. Il deviendra alors possible d’anticiper les situations les plus à risque de crise d’asthme, et de déterminer les mesures qui permettent de prévenir les symptômes. Chaque enfant aura en quelque sorte un ange gardien de son asthme sous la forme de son jumeau numérique, l’alertant et lui donnant des recommandations appropriées en cas de risque respiratoire.