Caractérisation des patients en état de mort encéphalique par machine learning et impact sur le pronostic du greffon rénal chez le receveur (CLUSTER-EME)
Quel est le contexte général qui a donné naissance à ce projet ?
L’insuffisance rénale chronique terminale est une maladie fréquente qui touche plusieurs millions de personnes dans le monde, dont 8.000 nouvelles personnes en France chaque année. Il s’agit d’un véritable problème de Santé Publique associé à une morbi-mortalité élevée et à des dépenses importantes. A ce jour, seule la transplantation rénale permet aux patients atteints d’insuffisance rénale chronique au stade terminal de retrouver une vie normale, dont la majorité sont dialysés plusieurs fois par semaine en attendant un greffon. Selon les chiffres récents de l’Organisation Mondiale de la Santé, 1.5 million de personnes vivent dans le monde avec un greffon rénal, et chaque année 80 000 personnes sont greffées. Malheureusement, le nombre de greffons disponibles est très en deçà du nombre de patients inscrits sur liste d’attente, créant une véritable inadéquation entre les besoins et les greffons disponibles. Ainsi, devant cette situation de tension en greffons qui ne fait que s’accroitre avec le temps, il devient impératif d’optimiser la prise en charge péri-opératoire des donneurs et des receveurs afin de maximiser les chances de réussite de la greffe, et ainsi améliorer le pronostic du receveur.
En analysant de vastes ensembles de données cliniques, biologiques et génétiques, les algorithmes de machine learning identifient des groupes de patients ayant des caractéristiques communes mais non décelables par les analyses conventionnelles. Cela s’avère particulièrement précieux dans la gestion de pathologies complexes, tel que le RRF (reprise retardée de fonction) après transplantation rénale où il est difficile de prédire le pronostic du greffon et in fine celle du receveur. Grâce à ce type d’approche, les cliniciens pourraient adapter les thérapeutiques selon le profil individuel de chaque DDEME (donneur en état de mort encéphalique), réduisant ainsi les risques de complications et optimisant les chances de succès de la greffe rénale. Le phénotypage par machine learning contribue donc à une médecine de précision centrée sur le patient et à un usage plus efficient des ressources médicales dans le but d’améliorer le pronostic du receveur.
En quoi consiste votre projet ?
Peu d’études ont exploré l’association entre les caractéristiques des donneurs en état de mort encéphalique (DDEME) et la reprise retardée de fonction (RRF) du greffon rénal. À partir de la base CRISTAL (2013-2023) de l’Agence de Biomédecine, ce travail vise à identifier, via des techniques de machine learning, des profils de DDEME en lien avec un risque accru de RRF et proposer des pistes pour améliorer la qualité des greffons et le pronostic des receveurs.
En quoi est-ce innovant ?
A ce jour, il n’existe aucune étude s’étant intéressée à la caractérisation des DDEME dans le but de prédire la survenue de RRF chez le receveur. Ceci est lié à plusieurs raisons : 1/ bien que plusieurs milliers de patients soient greffés chaque année dans le monde, peu de données cliniques et biologiques sont disponibles en raison d’un défaut d’enregistrement et de partage, 2/ cette caractérisation nécessite de grandes bases de données dans le but de développer un modèle fiable, ce qui dans le cas de la greffe rénale, est difficile, 3/ le machine learning est une technique en plein essor qui nécessite une expertise dont peu d’équipe de recherche sont dotées à l’heure actuelle. Expertise que nous avons dans notre département et notre équipe INSERM.
Les objectifs de ce travail unique et novateur sont multiples :
Grâce à la base de données CRISTAL, qui inclue un grand nombre de données enregistrées chez le DDEME et le(s) receveur(s), nous allons identifier les facteurs chez le DDEME associés au risque de développer une RRF du greffon rénal chez le receveur. Nous nous focaliserons sur les facteurs propres au DDEME (âge, antécédents, fonction rénale de base…) mais aussi et surtout sur les facteurs liés à la réanimation depuis l’hospitalisation en soins critiques jusqu’au prélèvement d’organes, période au cours de laquelle un grand nombre d’événements et de facteur peuvent être associés au risque de RRF.
D’identifier des groupes (phénotypes) de DDEME afin de comprendre leur association avec la RRF du greffon. Par méthode de machine learning (cf infra), nous caractériserons et détaillerons des phénotypes clinico-biologiques de DDEME et identifierons un ou plusieurs phénotypes associés à un risque augmenté de RRF du greffon rénal chez le receveur. Cette approche unique dans ce domaine permettra de comprendre quels sont les facteurs de la prise en charge péri-opératoire du DDEME impliqués dans la survenue d’une RRF du greffon rénal.
Ainsi, nous émettrons des hypothèses quant aux liens entre les caractéristiques du DDEME (caractéristiques propres et liées à la prise en charge) et la RRF du greffon rénal chez le receveur. Cela nous permettra de proposer des pistes de réflexions pour des travaux prospectifs futurs en vue d’optimiser la prise en charge des DDEME, la qualité des greffons rénaux et le pronostic des receveurs.
Ce projet unique et novateur est soutenu par l’Agence de Biomédecine et le réseau d’excellence INI CRCT (réseau labellisé F CRIN, spécialisé dans la recherche cardiovasculaire et rénale).
Quel peut-être l’impact d’un tel projet sur notre santé et celle de nos proches ?
L’identification et quantification de facteurs modifiables du DDEME et l’identification d’un phénotype de DDEME associés au pronostic permettraient aux cliniciens d’intervenir de manière ciblée, en corrigeant l’anomalie identifiée (par l’introduction d’une thérapeutique spécifique ou en évitant la prescription d’un traitement potentiellement délétère, par exemple), pour, entre autres, prévenir ou limiter le risque de survenue de RRF après transplantation chez le receveur. Ces interventions pourraient ainsi contribuer à améliorer le pronostic global du patient, ceci incluant la diminution du risque de perte du greffon directement associé à la mortalité.
Quels sont les bénéfices à court/moyen/long terme sur la (les) population(s) ciblée(s) ?
A court terme, ce projet qui permettra d’identifier des groupes de DDEME plus souvent associés à un risque augmenté de RRF du greffon rénal chez le receveur, permettra de comprendre précisément les mécanismes physiopathologiques impliquées dans la RRF du greffon rénal à partir de don de DDEME, d’identifier précisément les facteurs impliqués dans la RRF. Cette identification permettra aux cliniciens de adapter la prise en charge des DDEME en conséquence avant le prélèvement dans le but d’améliorer la qualité des greffons disponibles. Ceci permettra de réduire le risque de survenue de RRF du greffon rénal chez le receveur, et ainsi de réduire la survenue de complications post-opératoires directement associés à la RRF1,8,13.
A long terme, l’identification de groupes de DDEME associés à un risque plus élevé de survenue de RRF chez le receveur après la greffe, permettra d’optimiser la prise en charge des DDEME (en corrigeant voire en éliminant directement les facteurs des DDEME associés à la survenue de RRF), et de limiter ainsi la survenue de RRF ainsi que la morbi-mortalité à long terme.
À propos de Sauver la Vie
Si la recherche médicale fait de constants progrès notamment dans les domaines de la prévention, du diagnostic et du traitement, un nombre important de patients demeurent confrontés à l’échec thérapeutique. La Fondation Université Paris Cité sélectionne et soutient les projets de recherche clinique, immuno-oncologiques et pédagogiques qui transformeront très efficacement l’avenir des patients et la pratique des soignants. Au-delà des questions de santé publique et d’économie, il s’agit de soutenir ceux qui demain nous sauveront !